4 janvier 1944 - Déraillement du train SF831 (2)
Le constat de la gendarmerie de Perrecy-les-Forges
Service Historique de la Défense
Château de Vincennes - Archives de la gendarmerie
Brigade de Perrecy-les-Forges
Cote 71 E 779 - 1er semestre 1944
4 janvier 1944 Sabotage commis à Ciry-le-Noble, ayant provoqué le déraillement d'un train de permissionnaires allemands
(gendarmes LEFORT, MARIONNET, DEVOT)… prévenus téléphoniquement à 1h30 par le chef de gare de Ciry-le-Noble que le train régulier SF 831 venait de dérailler vraisemblablement suite à un acte de sabotage au km 84km200, lieu dit "la Bise", commune de Ciry-le-Noble, nous sommes transportés immédiatement sur les lieux après avoir rendu compte à notre Commandant de Section et avisé la Feldgendarmerie de Paray.
Etat des lieux
… Le lieu de déraillement (…) est distant de 1km400 de la gare de Ciry. A cet endroit les voies ferrées sont en ligne droite, mais en remblai de 2m50 à 3m. Elles sont, à l'extrémité Sud (direction Perrecy-les-Forges) en bordure du Chemin de Grande Communication n°60, à l'extrémité Nord (direction Ciry), elles sont séparées du dit chemin par un petit champ de culture mesurant à cet endroit de 15 à 20 mètres de large. A proximité se trouve un petit pont, où passe le ruisseau 'la Bise" et une ligne Decauville.
Constatations
A notre arrivée sur les lieux, à 2h15, nous constatons qu'un train circulant sur la voie 1, direction Ciry-le-Noble – Montceau-les-Mines, est immobilisé. Des soldats allemands en armes montent la garde de chaque côté.
Six grands wagons de voyageurs de queue sont toujours sur les rails. A cet endroit la voie n'est pas détériorée, mais en tête du train, 4 wagons voyageurs et un fourgon sont sortis des rails et leurs roues enlisées totalement dans le sable. Les rails sur une longueur de 80 m sont arrachés tordus et cassés en plusieurs endroits, il en est de même des traverses de bois dont la plupart sont réduites en morceaux. Quant à la locomotive et son tender, ils sont couchés sur le côté, dans un petit champ de culture à gauche de la voie ferrée (sens de marche). La voie 2, parallèle à la voie 1, n'a pas souffert et ne se trouve nullement encombrée par les wagons déraillés, ces derniers se trouvant déposés sur la gauche de la voie 1 (sens de marche, direction Ciry-le-Noble – Montceau).
Nous nous sommes assurés auprès de l'officier allemand, chef de détachement, du nombre des victimes. Il nous a été répondu que 5 seulement avaient été légèrement blessés à la tête, par la chute de valises et paquets des filets au moment du télescopage. Le chauffeur et le mécanicien, du dépôt de Paray-le-Monial, sont également sortis indemnes, à part quelques contusions superficielles et une légère brûlure à l'avant-bras droit du chauffeur.
A l'endroit précis où le déraillement de la tête du train a commencé, nous constatons que l'éclisse maintenant une coupure du rail gauche a été enlevée et laissée sur place avec le boulon la maintenant. D'autre part en bordure de la voie, nous remarquons la présence de nombreux tirefonds déposés ou jetés çà et là. Il apparaît de toute évidence que ces tirefonds ont été retirés de leur emplacement avant l'accident, ceux-ci ne comportant aucune trace de choc ou d'arrachement forcé. Mais en raison de l'état actuel des traverses en bois et des rails, il n'est pas possible de déterminer approximativement la quantité exacte de tirefonds qui ont pu être enlevés.
A 2h45, une locomotive de secours, venue de Paray-le-Monial, a remorqué les six wagons non déraillés avec la troupe que comportait le train entier, sur Génelard et Paray-le-Monial. A 7h35 et à 10h20, deux grues et des équipes spécialisées de la SNCF sont arrivées sur les lieux, en vue de relever le matériel et remettre en état la partie de la voie détériorée. De l'avis de M. l'ingénieur de district dirigeant ces travaux, la voie 2 pourra être rendue à la circulation dans un délai de 24 h ou 48h au maximum.
Enquête
Sont interrogés le mécanicien (Xavier PARES, 36 ans, de Paray-le-Monial), le chauffeur (Gilbert PERARD, 40 ans, de St-Germain, le chef de poste des garde-voies de Ciry-le-Noble (Henri FOURGNAUD, 38 ans) et les 4 garde-voies impliqués (2 patrouilles, montante et descendante).
Retenons les dires suivants…
Le mécanicien : "Ce jour à 0h05, j'ai pris en charge à Paray-le-Monial le train de permissionnaires des troupes d'occupation n° SF831, que je devais conduire à Montchanin. Arrivé à proximité de la gare de Ciry-le-Noble, vers 0h40, alors que je marchais à une vitesse de 60 à 70 km à l'heure, j'ai ressenti de vives secousses et j'ai pensé de suite que la machine avait dû quitter les rails. Avant même que j'ai eu le temps de freiner ni faire quoi que ce soit, la locomotive et son tender se sont renversés totalement dans le remblai de la voie 1 sur laquelle je circulais. De cet accident je suis sorti indemne, ainsi que mon chauffeur, qui n'a été que légèrement brûlé à l'avant-bras droit, cependant l'un et l'autre nous ressentons des contusions superficielles sur différentes parties du corps. Aussitôt le déraillement survenu, je me suis rendu en gare de Ciry-le-Noble pour donner l'alarme et couvrir le train. J'ignore totalement les causes du déraillement ne m'en ayant d'ailleurs pas intéressé en raison de l'obscurité et de l'absence de tout éclairage".
Lecture faite, persiste et signe.
BRELAU (Lucien), 32 ans, garde-voie, demeurant à Sanvignes-les-Mines :
"Au cours de la nuit dernière, j'ai quitté le poste de garde de Ciry-le-Noble à 0h exactement en compagnie de M. LAVIGNE (Jean-Marie, 46 ans, habitant aux Vergnes de Sanvignes-les-Mines) pour effectuer une patrouille sur la voie ferrée, jusqu'au poste de contrôle de Civry près de Génelard. Je surveillais ainsi que mon camarade la voie 1, c'est-à-dire la voie montante, car la voie 2 était surveillée par une patrouille de retour. Arrivé à proximité du point kilométrique 84,200 et après avoir croisé la patrouille descendante composée de ANDRE et CHAMPEAU, j'ai entendu crier "Halte", continuant malgré tout ma marche, j'ai entendu à nouveau prononcer les paroles suivantes sur un ton tout à fait impératif "Retirez-vous", puis une seconde après j'ai perçu le bruit d'une rafale d'arme automatique, suivie d'une autre rafale de feu et de 2 ou 3 coups séparés. Ces deux rafales me semblaient provenir du chemin de GC n°60 bordant la voie, alors que les coups séparés me paraissaient venir du remblai de la voie. Je pouvais être à une distance de 20 à 30 m de l'endroit d'où provenaient les coups de feu, mais en raison de l'obscurité complète qui régnait à ce moment de la nuit, je ne pouvais distinguer quoi que ce soit, si ce n'est les lueurs des coups de feu tirés, qui paraissaient dirigés vers nous. Je ne puis indiquer le nombre d'individus qui pouvaient se trouver devant nous, et en leur voix, je n'ai reconnu personne de ma connaissance. L'accent était bien français, mais il ne me paraît pas être celui de la région. Devant ces faits et n'étant pas armé, pas plus que mon camarade LAVIGNE, et supposant qu'il devait s'agir d'un acte de sabotage, j'ai crié à la patrouille descendante se dirigeant sur Ciry : "Vite, vite à la gare, faites bloquer la voie". A ce moment, il pouvait être 0h30 environ. De mon côté, j'ai fait demi-tour également avec LAVIGNE, pour revenir vers la gare de Ciry, mais à peine avais-je rattrapé la patrouille descendante que j'ai entendu un train, en train de venir sur la voie 1, suivi bientôt d'un bruit de ferraille. Ce sont là tous les renseignements qu'il m'est possible de vous fournir…"
Lecture faite, persiste et signe.
(…) Les gendarmes trouveront 7 douilles percutées de fort calibre, portant sur le culot les lettres W.R.A 9mm, à une 20aine de mètres en face du rail déclissé
- Lien vers les photos d'époque -
- Le mécanicien PARES et ses saboteurs BOUSSIN et CARIMANTRANT -