Il y a 77 ans, le 15 juin 1944 à Uchon, tombait le soldat allemand Johann Hittinger
15 juin 1944 - Le 14ème mort identifié à la bataille d'Uchon
Johann Hittinger 01/07/1906-15/06/1944
Soldat allemand
On connaît bien aujourd'hui la période de juin 1944, où, au lendemain du débarquement allié en Normandie (le 6 juin), les organisations résistantes du bassin minier appelèrent leurs partisans à quitter domicile et travail pour monter former deux maquis. Celui de l'Armée Secrète gaulliste se regroupait au Mont-Saint-Vincent, celui de la résistance communiste FTP à Uchon.
Deux études parallèles, publiées il y a quelques années par Jérémy Beurier et Gérard Soufflet, ont décrit avec force détails les batailles que les deux maquis en formation durent livrer les 10, 15 et 16 juin 1944 contre des colonnes allemandes venues les déloger. Formées de troupes professionnelles solidement armées, elles eurent peu de difficultés à disperser les nouveaux maquisards. On sait que ceux-ci allaient rapidement se reconstituer, gagner en expérience et en audace durant tout l'été et participer à la Libération de la région par la 1ère Armée française, début septembre.
Voir "La bataille de Mont-Saint-Vincent / Mary, 10 juin 1944" et "Mourir à Uchon, 15 et 16 juin 1944" (quelques exemplaires restent disponibles, contacter les auteurs).
Les victimes françaises de la bataille d'Uchon sont bien connues. Il y en eut treize…
- Dix FTP : Jean-Marie BERNARD, André BINET, Augusto BOTTEON, Lucien DEGUEURCE, Henri GALLARATI, Raymond GRILLOT, Edward GRZESKOWIAK, Gabriel LAPRAY, Raymond MARTIN, Guy VERNIZEAU.
- Deux de l'Armée Secrète : Marcel LUXEMBURGER, Paul SOUFFLET,
- Un civil : Henri BROCHOT.
Après la bataille et durant de longues années, les pertes allemandes furent grossièrement exagérées. On n'hésitait pas à parler alors d'une centaine de tués et blessés. La pratique était courante, d'abord pour les besoins de la propagande, plus tard pour ne pas être accusé de minimiser le combat des résistants. La recherche objective menée pour écrire "Mourir à Uchon" n'avait mis en évidence qu'un seul tué confirmé, quelques cas (trois ou quatre) restant douteux. Le tué était tombé à la fin de l'engagement, touché par une balle d'une rafale de fusil-mitrailleur tirée de loin par un groupe de maquisards en retraite.
Les facilités offertes actuellement aux chercheurs permettent d'avoir accès aux archives allemandes, et c'est là que nous avons repéré un seul tué du combat d'Uchon, dont nous avons pu récupérer un dossier personnel.
La vie de Johann Hittinger
Johann Hittinger céramiste
Johann Hittinger est né le 1er juillet 1906 à Deutsch-Wagram en Autriche, lieu d’une célèbre victoire napoléonienne en 1809. Une rapide recherche sur le net, nous a permis de découvrir un site dédié à Johann Hittinger, céramiste autrichien : www.deutschwagramerkeramik.at
Johann Hittinger est issu d’une famille de marchands aisés de Deutsch-Wagram. Surnommé Hans ou Hansi, il profite d’une enfance paisible et insouciante. Assez introverti, il est rapidement attiré par l’art. En 1925, il entre à l’école de céramiste et se forme à la céramique d’art. En 1932, aidé par sa belle-famille, il créé sa propre fabrique dans sa ville natale. Ses premières productions se veulent artistiques mais elles ne rencontrent pas le succès escompté. Johann s’oriente alors vers une production plus utilitaire et aussitôt l’entreprise prospère.
1941 Unteroffizier Hittinger
Toutefois, en mars 1940, Johann est appelé pour servir dans la Wehrmacht. En avril, il entre à l’école militaire où il obtient le grade d’Unteroffizier. Il intègre alors l’Infanterie Regiment 664 à Plock (en Prusse-Orientale). Cette unité est employée à la garde des prisonniers de guerre et à des travaux de construction. À la rupture du Pacte Germano-Soviétique son régiment est envoyé sur le front russe. Cependant Johann, qui parle couramment le Français, est muté à l’Infanterie Regiment 589 à Boulogne-sur-Mer.
Le jour du Débarquement de Normandie, Johann se trouve à proximité de ce nouveau front mais il échappe une fois de plus aux combats grâce à un transfert au Sicherungs-Bataillon 671 à Dijon.
Les Sicherungs-Bataillon ou bataillons de sécurité sont créés pour sécuriser les zones arrière des armées. On y place des soldats provenant des premières lignes trop âgés pour y rester. On y trouve aussi des hommes issus des forces de l’ordre et des Ost-Legion (« volontaires » des pays de l’Est). Ils sont chargés du maintien de l’ordre et de la protection des voies de communication et des ouvrages d’art ; donc de la lutte contre le maquis…
Le 15 juin, le 671ème bataillon de sécurité, au moins la 1ère Compagnie de Johann, est déployée à Uchon. D’après le site internet déjà nommé, il est atteint d'une balle en pleine tête tirée par un partisan.
Fiche signalétique établie lors du décès de Johann Hittinger
Néanmoins, la lecture du verso de la carte de son décès est annotée du mot allemand « unfallnu », qu’on traduit par « accident »… Sa mort est-elle survenue lors d’un accident de la circulation pendant le déplacement à Uchon ? A-t-il été victime d’une arme amie ou bien de sa propre arme ?
Le site de la deutschwagramerkeramik apporte peut-être un début de réponse : lors d’une permission, Johann Hittinger comprend que sa femme ne l’aime plus et qu’elle fréquente un autre homme, le divorce aurait même été décidé. L’avenir de son entreprise est alors en jeu, sa belle-famille étant propriétaire des locaux de l’usine. Les derniers membres de sa famille à l’avoir vu avaient même été surpris par son pessimisme quant à ses chances de survie en France…
Avis de décès
Pour conclure, nos recherches dans cette nouvelle source d’archives ne nous ont révélé qu’un seul nom de soldat allemand mort dans le combat contre le maquis à Uchon et déjà cette mort est soumise à caution… En attendant, que de nouveaux trésors d’archives ne fassent leur apparition, bien des questions restent sans réponses.
Tombe collective au cimetière allemand d'Andilly
Après les combats, le corps de Johann est rapporté par ses camarades à Dijon où il est ausssitôt enterré au cimetière militaire allemand. Son corps repose aujourd’hui au cimetière militaire d’Andilly en Meurthe-et-Moselle.
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